La confiance en soi et en autrui est un sujet important et délicat. Il conditionne notre rapport à nous-mêmes et au monde. Tout le monde ne mérite hélas pas votre confiance. Quand la sincérité de votre interlocuteur est douteuse, quand ses intentions sont malveillantes, la mauvaise foi ne provoque-t-elle pas en vous un sentiment d’exaspération ou d’impuissance ? Comment ne plus être dupe ni victime de ceux qui ne méritent pas votre confiance ? Et comment la réserver à ceux qui en sont digne ?
La première édition (2005) fut préfacée par le Docteur Jacques Fradin :
C’est avec plaisir que je réponds à la demande de préfacer cet ouvrage. Dans un style très personnel où il interpelle d’emblée le lecteur afin de mieux l’impliquer (ou le bousculer ?), Hervé Magnin y décrit avec passion et précision certains rouages de la communication humaine et de ses vicissitudes.
Au fil des pages et multiples rebondissements d’une narration légère sinon espiègle, il effeuille lentement et méticuleusement les pièges de l’incompréhension quotidienne, les trompes l’œil de nos quiproquos quotidiens. Il illustre l’incapacité naturelle dans laquelle nous nous trouvons si souvent ; celle qui consiste à nous mettre à la place de nos (faussement) “ semblables ”. Nous les jugeons par projection et par excessive protection. Nous leur attribuons des intentions qui traduisent plus nos propres craintes, appréhensions ou préjugés, qu’une perception pertinente ou juste d’eux-mêmes. Ce texte nous fait découvrir, pas à pas, comment déjouer les nombreuses chausse-trapes qui jonchent la plus simple des conversations. Tout y apparaît si simple à comprendre… et si difficile à mettre en œuvre. Mais on ne progresse qu’à petits pas dans le monde flottant de l’informel et l’émotionnel.
Vient ensuite, au détour du long cheminement des lignes, l’ombre inquiétante et redoutée de la vraie “ mauvaise foi ”, la manipulation intentionnelle et consciente. Que révèle-t-elle ? N’est-elle que la simple résultante d’un choix véritablement libre et individualiste, parfois destructeur ? Ou bien est-elle l’instrument de quelque trouble émotionnel (une impulsion, une intention honteuse,…) ?
L’auteur dévoile alors quelques rouages cachés de notre mental humain. Certains d’entre eux sous-tendent nos comportements de mauvaise foi. Ancien élève, ex-formateur et ex-chargé de cours à l’Institut de Médecine Environnementale (Paris), Hervé Magnin apporte ici l’éclairage de notre approche en Communication Neuro-Cognitive et Comportementale (CNCC) et Thérapie Neuro-Cognitive et Comportementale (TNCC). Nous appelons par exemple Comportements Hyperfonctionnels (ou “ Hypers ”), des comportements à tendance anxiogène et obsessionnelle. Le plus souvent, la mauvaise foi n’est qu’une des modalités pour tenter de satisfaire ce type de désir conditionné et rigide. L’Hyper est l’un des grands types de comportements automatiques dans notre modèle. Mais il est aussi le symptôme et la conséquence d’un autre : le Comportement Hypofonctionnel (ou “ Hypo ”). Ce dernier est un blocage que l’Hyper tente inconsciemment de compenser.
Le caractère inconscient et automatique de l’articulation “ Hypo/Hyper ”, engendre donc ces comportements “ boulimiques ” de dépendance, que sont les “ Hypers ”. Il n’est pas surprenant que la mauvaise foi survienne alors, pour obtenir, coûte que coûte, l’objet de ce désir exacerbé et ainsi soulager la souffrance anticipée du manque.
La mauvaise foi semble pouvoir s’expliquer, en partie, par ce mécanisme “ pressant ”. Il peut sembler incongru de considérer la personne de mauvaise foi, comme la première victime de son stratagème, et pourtant… Mais pour autant qu’elle puisse se justifier, plus ou moins, sur le fond (en effet, qui peut prétendre résister à vie à une boulimie ?), la mauvaise foi n’en pose pas moins le problème de la gérer dans le cadre de la relation, pour l’interlocuteur qui peut en être la (seconde ?) victime.
Comment faire face à la manipulation ? Comment pouvons-nous alors réagir sans agresser, sans “ mettre les pieds dans le plat ” et accuser, en ne rajoutant pas inutilement de l’huile sur le feu ? Les manières empiriques de gérer la mauvaise foi oscillent souvent entre une guerre de tranchée moraliste et un renoncement naïf ou soumis. Ceux qui optent pour la résistance alimentent souvent un conflit difficile et creusent des blessures parfois irréparables. L’accusation peut aussi desservir le “ contre-attaquant ” maladroit, puisque son manipulateur peut l’accuser de diffamation. A l’inverse, la victime qui se rebiffe peut aussi parfois “ briser ” l’agresseur apparent qui se trouve en fait dans un réel état de fragilité.
Se pose encore le problème de l’incertitude diagnostique dans le “ dossier ” ambigu de la mauvaise foi : l’interlocuteur est-il ou non de mauvaise foi ? Comment éviter de fâcheuses “ erreurs judiciaires ” alors même que la mauvaise foi (la vraie) joue précisément sur cette ambiguïté, mime parfois la fragilité, tel un caméléon.
A partir de cette complexité, Hervé Magnin a conçu un rébus attrayant, véritable jeu de piste à étages, ménageant rebondissements et faux dénouements. Dans ce parcours ludique, il se mire lui-même avec adresse et humour, nous laissant chercher qui est qui et s’adresse à qui, comme dans la vie. Mais comme ici tout est écrit, on peut “ repasser la bande ”. Au fil de récits concrets, prenants, vécus, dans un style oral plein d’allant qui permet de vivre presque une formation pour le prix d’un livre, nous nous laissons prendre par l’enquête, le dialogue avec nous-même et l’auteur, jusqu’à la découverte d’outils pragmatiques et respectueux de gestion de la mauvaise foi. L’auteur présente notamment l’attitude dite du “ faux naïf ”. Sous ce vocable presque voltairien (Candide), nous avons voulu décrire un scénario “ parapluie ” permettant de gérer la mauvaise foi sans déranger la bonne (foi), sans blesser l’interlocuteur ni l’accuser ou le contraindre à se justifier ou contre-attaquer. Ce scénario étonnamment simple et terriblement efficace (un des outils de la CNCC que nous développons à l’IME) est décrit ici, avec adresse et un esprit concret. L’auteur apporte toute l’intelligence, l’illustration, l’humour, la pratique et l’expérience de terrain qui convenaient à la mise en scène de cet outil relationnel que constitue le “ faux-naïf ”. Ce dernier trouve une place de choix dans la boite à outils de communication, qu’est ce livre.
Grâce soit rendue à son auteur. Je souhaite aussi au noble lecteur de trouver, dans la légèreté apparente de la forme, matière à une réflexion profonde et déculpabilisante sur la précaire humaine condition, sur l’autre… et sur soi-même.
Dr Jacques Fradin
Directeur de l’Institut de Médecine Environnementale
Paris